Le mobile a apporté la monnaie électronique en Afrique. Mais au-delà M-Pesa, le mobile et Internet ont contribué à favoriser l’émergence de sociétés civiles sur le continent.
M-Pesa est non seulement populaire en Afrique de l’est. Le système de paiement électronique est aussi le petit chouchou des économistes du développement en Europe et aux États-Unis. C’est la société de télécommunication Safaricom qui avait introduit en 2007 ce système sur le marché kenyan. Il permet de transférer de l’argent à ses proches et à payer restaurants, taxis, le loyer et même l’impôt par un simple texto.
44% de l’activité économique du Kenya passent aujourd’hui par M-Pesa, un succès faramineux pour un système de paiement qui est tellement simple et efficace.
Le succès de M-Pesa est tel qu’il s’est exporté en Tanzanie, l’Afrique du Sud, le Lesotho, la Mozambique, la DR Congo, l’Égypte et au-delà du continent africain en Afghanistan, les îles Fidji, en Inde, la Roumanie et l’Albanie.
M-Pesa transforme un compte de client auprès de M-Pesa en compte courant pour presque toutes les transactions financières de ses usagers. Surtout, M-Pesa est plus sûr, plus rapide et moins onéreux que le transfert d’argent liquide baissant de la sorte les coûts de transaction pour des millions de foyers africains.
M-Pesa a contribué à combattre la pauvreté au Kenya, révélait une étude. Les gains en pouvoir d’achat auraient contribué à sortir 194.000 foyers de la pauvreté extrême.
Sans nier les bienfaits de la monnaie mobile, la combinaison entre le mobile et Internet a également bouleversé les systèmes politiques en Afrique. Elle permet à des centaines de millions d’usagers un accès simple aux informations politiques concernant leur pays et le rend pratiquement impossible à des despotes au pouvoir de trier encore le flux des informations.
En Ouganda, des citoyens ont créé les manifestations des « lundis noirs » contre la corruption dans leur pays. C’était possible grâce à Internet qui facilitait à ses supporters de se réunir. De même en Afrique du Sud, des milliers de contestataires se retrouvent sur Internet et dans les rues des grandes villes pour protester contre la corruption massive dans son pays sous le règne de son président Jacob Zuma.
« Le smartphone que nous avons tous en main a radicalement transformé nos rapports à la société et à la politique : grâce à lui, nous avons le sentiment d’être en prise directe avec le monde et de pouvoir agir plus efficacement », constate, dans son livre « Démocratie smartphone » paru en octobre de l’année dernière, le journaliste français Francis Brochet. Il le constate pour les pays développés, mais l’analyse s’applique également aux pays en voie de développement en Afrique.
Dans le passé, les citoyens africains étaient largement dépendants de sources d’information manipulées, tendancieuses ou censurées. Comme Internet avait encore un impact limité sur les sociétés africaines, la combinaison mobile-Internet ouvre aux Africaines le monde des réseaux sociaux et des sources d’information étrangères.
S’il existe toujours des dictatures en Afrique et si la tentation de créer des structures autoritaires est pour un gouvernant africain aussi grande que pour n’importe quel autre politicien dans le monde, Internet diffusé par le mobile rend la tâche plus difficile pour les hommes politiques essayant d’établir un régime autoritaire.