Les grandes banques délaissent les Africains vivant à l’étranger. L’envoi de fonds attire les fintechs comme c’est une affaire qui rapporte.
Les envois d’argent des immigrés vivant en Europe, aux Etats-Unis, autour du Golfe ou ailleurs sont devenus une vaste affaire. Rien que les ressortissants de l’Afrique sub-saharienne avaient transféré l’année dernière 35,2 milliards de dollars à leurs familles restées dans leur pays, selon des données de la Banque mondiale. Et les envois d’argent vers le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord s’élevaient même à plus de 50 milliards de dollars.
Ces transferts – appelés « remittances » dans les milieux financiers – sont devenus ces dernières années une source de financement en Afrique à laquelle ces pays ne pourraient plus renoncer. Ils dépassent de loin l’aide au développement des Etats riches et sont moins volatiles que les investissements privés des fonds d’investissement ou des entreprises.
Alors que l’aide gouvernementale des pays riches n’augmente que faiblement et reste en dessous des 100 milliards de dollars par an, les transferts de la diaspora s’élèvent à plus de 430 milliards de dollars.
Comme les gouvernements des pays riches ne renforcent pas leur effort au profit des pays les plus démunis, les habitants des pays pauvres dépendent de plus en plus des transferts que les membres de leurs familles leur envoient d’Europe, d’Amérique du Nord ou encore des pays du Golfe. Les chiffres de la Banque mondiale montrent bien à quel point les habitants des pays pauvres dépendent des transferts de la diaspora. Voilà une des causes de la migration mortelle vers l’Europe.
Seulement, il est assez difficile de transférer ses avoirs vers l’Afrique, continent où la grande majorité des habitants ne dispose toujours pas de compte bancaire et où les frais de transferts sont particulièrement élevés. Seulement 166 Africains sur 1000 en Afrique sub-saharienne possèdent selon la Banque mondiale un compte en banque.
Pendant longtemps, le marché de ces transferts était le domaine réservé de quelques acteurs bien établis tels que Money Gram, Western Union ou Rìa. Les frais sont relativement élevés. Envoyer 500 euros en cash de l’Allemagne vers le Cameroun coûte facilement 20 euros. Selon les pays récepteurs, les utilisateurs peuvent baisser un peu ces frais en envoyant de la monnaie électronique sur un téléphone mobile par exemple.
Si vous pensez que les banques se jetteraient sur cette activité profitable, vous vous trompez. « Les grandes banques internationales ferment actuellement les comptes bancaires détenus par des opérateurs de transferts de fonds afin de limiter le risque de blanchiment d’argent et de criminalité financière », relèvent les auteurs du rapport de la Banque mondiale pour continuer leur constat amer : « Ces fermetures de compte sont nombreuses et ont un impact direct sur les coûts d’envoi et sur les flux d’argent vers les zones rurales les plus reculées. »
Ces dernières années, de nouveaux acteurs tels World Remit ou Simba Pay ont commencé à leur disputer cet oligopole. Et grâce à l’essor des sociétés du monde de la fintech la concurrence s’intensifie encore. Un arrivé tout récent sur ce marché est la société Azimo créée en 2012 à Londres. Les fondateurs de la société veulent contribuer à casser davantage les prix. Alors que, selon des données fournies par la société, Moneygram prendrait 3,4% de la somme pour un transfert d’argent avec retrait en espèces de la France vers le Sénégal, Worldremit chargerait ses clients même avec 3,7%. Western Union resterait en dessous de ses deux concurrents en ne demandant que 2,5%. Azimo veut être encore moins cher en ne réclamant que 2,1%. Small World FS et Paytop proposeraient avec 0,7% et 1,0% des tarifs encore plus avantageux, mais là le client est obligé de passer par un transfert bancaire.
« La différence au niveau des coûts de transaction doit être étudiée au cas par cas et dépendra du pays destinataire », met, à juste titre, en garde un représentant d’Azimo.
De plus, comme le marché du transfert de fonds ainsi que les autres services financiers et monétaires se développent très rapidement, dans les pays originaires des fonds comme dans les pays récepteurs de fonds, le prix n’est plus le seul paramètre de concurrence. Entrent en jeu également la complexité du transfert, la rapidité et la sécurité du paiement.
Le transfert de fonds devient donc un marché de plus en plus mature – une affaire dont se retirent les grandes banques à tort.
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